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Porto, la vieille âme et la mer

Porto, la vieille âme et la mer

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PLUS tranquille que Lisbonne, la désuète cité du nord du Portugal, encore très abordable, se laisse gagner par les touristes et la modernité.

Elle pourrait être une sœur tranquille de Lisbonne, un peu figée mais généreuse, abandonnée à ses étudiants en cape noire, ses vieilles au corsage bien garni, ses nombreux touristes… Porto et sa vieille ville, la Ribeira, posée le long du Douro qui mène à l’océan, n’ont pas été colonisées par la jeunesse ou les touristes. La cité portugaise appartient bel et bien aux anciens, présents en nombre, si ce n’est en majorité. Des vieux, des vrais, aux ourlets faits maison et chemises boutonnées jusqu’au cou, à qui les nouveaux seniors dynamiques en jogging-baskets – qu’on croise par ailleurs – n’ont pas encore volé la vedette. Certains ont participé à la révolution des Œillets (qui entraîna en avril 1974 la chute de la dictature salazariste, en place depuis 1933) et se souviennent des fastes d’une époque où les familles avaient les moyens de ravaler et de construire.

Dans la brume matinale, les vieux Portuans refont donc le monde attablés au café, posés sur des bancs ou calés dans l’entrebâillement de leur porte d’entrée. Classées au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, les rues du centre historique sont pleines de magasins un peu désuets : drogueries, pneus, poignets de portes, cartes géographiques et pâtisseries alléchantes… Aux étages, des vitres cassées rappellent qu’un tiers de la vieille ville serait vide. Même les «solars», vastes demeures seigneuriales qui témoignent de la splendeur passée, se fanent doucement. Gris, bleu, blanc – alors que Lisbonne est connu pour ses couleurs chaudes -, Porto est de ces cités pleines de ruines splendides. Tout s’effondre et, malheureusement pour ses habitants, c’est magnifique comme cela.

Grimpette. Plantée sur le granit, la ville n’a pas de vie souterraine : ni métro ni parking, impossibles à ériger dans cette roche dure. Venir ici sans voiture impose donc le bus (pour filer vers la plage), le tramway (qui longe le fleuve), et la marche tendance grimpette. Une balade qui mènera le promeneur dans le quartier excentré du Foz do Douro, où s’étale la plage du Molhe, chère à Manoel de Oliveira, réalisateur centenaire et enfant du pays. Ces déplacements font sourire les vieux Portuans, qui se moquent gentiment des nouvelles générations avides de copier le lifestyle de la lointaine Miami.

«Le paradoxe de cette ville, c’est sa tendance au modernisme à tout crin. Les Portugais aiment le contemporain, quitte à détruire des monuments du patrimoine», explique Artur Miranda, décorateur et architecte d’intérieur né ici. Il dirige depuis vingt ans l’agence Otoiemponto avec son mari, le Français Jacques Bec. Tous deux sont des stars dans le pays. Ils ont vu disparaître les studios de cinéma Tobis, rasés pour construire une voie qui mène au périphérique ; les fabriques de sardines art déco ; les garages Matchbox… Mais quelques pépites ont survécu, tel le Coliseu, vieux cinéma des années 40, souvenir d’une sorte de Gotham City que des excentriques ont rêvé de créer sur les hauteurs de la ville.

«On est capable de faire disparaître des bâtiments très anciens en quelques semaines sans que les habitants se plaignent», se lamente Jacques Bec. A l’image de l’ancien dépôt de tramways, lui aussi rasé en un été pour laisser place à la Casa da Música, réussite architecturale de Rem Koolhaas. Ce diamant de béton a bouleversé le paysage local. Sa politique de prix et sa programmation attirent une fois par mois des gamins accros aux musiques électroniques et, les jours d’opéras, des couples sans âge mais bien endimanchés.

A l’abri de la foule, quelques «Futebole Clubs» à la papa rassemblent également les badauds. Et les jeunes ne sont pas les derniers à s’incruster dans ces repères tout droit sortis des années 60. L’un d’eux, caché dans un immeuble jamais ravalé sur la Praça Alegria, sans devanture ni vitrine, accueillait les dimanches d’été un cycle de films où l’on projetait du Terry Gilliam dans un décor de cinéma américain éclairé au néon.

Plus à l’est, dans la ville haute, une poignée de rues ont été transformées en bars à l’air libre. On commande un gin à une grande fenêtre et on repart son verre à la main. Pas de salle où s’asseoir, c’est le trottoir ou rien. Il y a encore cinq ans, on ne croisait pas grand monde dehors, car, pendant longtemps, les rassemblements de plus de trois personnes étaient interdits. Désormais, les fins de semaine, la rue Galeria de Paris et ses alentours sont noirs de monde. Là, les pépés et les mémés ne vont pas. Ça les dépasse, mais personne ne râle.

Morue et sardines. Dans les environs, quelques signes de la standardisation pointent, à commencer par les restaurants de burgers à la Brooklyn. Mais la ville ne sent pas le profit, et les grandes enseignes n’ont pas encore matraqué le secteur. On mange pour 10 euros, on dîne pour à peine plus. De la morue et des sardines à tous les menus. Le gouvernement mise sur le tourisme low-cost. Avec une fiscalité avantageuse pour les retraités des pays voisins, le Portugal menace de se transformer en paradis du quatrième âge.

Sur le fleuve, non loin du pont métallique construit par Eiffel, un bateau (1 euro l’aller, 1 euro le retour) va et vient entre les berges. Sur la rive gauche, les grandes caves et les meilleurs restaurants de poissons des environs. Sur la rive droite, les voyageurs se font déposer au pied de l’Adega Rio Douro. Ce café reçoit chaque mardi des fadistes apprêtés, ces chanteurs qui déclinent la saudade et l’amour passé, la jalousie et la nostalgie, le souvenir des morts… Se poser sur la terrasse à la fin de la journée permet d’observer le ballet des jeunes couples venus roucouler, des hippies musiciens, des pêcheurs avec un joint dans une main, une bière dans l’autre. Aux tables de l’Adega, les Portugais s’adonnent à un de leur sport favori : réinventer les maximes populaires, jouer avec les mots, se charrier gentiment à coups de vieux proverbes. Et regarder le temps qui passe le long des berges du Douro.

A découvrir ci-dessous la belle balade d’un lecteur, Loïc Adrien, dans les rues de la ville.

Por Marie OTTAVI in http://www.liberation.fr/voyages

A stop-motion in PORTO / PORTO à pied.

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